C'était la veille de Noël


Par Limaperou

C'était la veille de Noël.

Pour les vacances, Mario et Peach avaient loué un petit chalet en bois de hêtre sombre, au milieu d'une grande forêt de pins. Ils avaient laissé Bébé Mario à Papy Champi et réussi à se détacher de Luigi, qui passait finalement le réveillon avec des amis d'enfance. C'était la première fois depuis longtemps qu'ils ne se retrouvaient qu'à deux, et l'isolement de leur chalet leur procurait encore plus le sentiment d'intimité. Ils s'affairaient tous deux aux préparatifs pour que le réveillon soit parfait. Elle décorait le grand sapin tandis qu'il préparait le repas, de la dinde arrosée de vin rouge.

Mario entreprit d'allumer un feu pour réchauffer l'atmosphère. Il se dirigea vers la petite cheminée, y rassembla quelques copeaux de bois et y mit le feu avec son briquet, avant de remarquer qu'il ne restait qu'une dizaine de bûches, ce qui ne serait pas suffisant pour tenir toute la nuit. Il enfila donc son manteau de laine rouge, embrassa Peach et sortit, une hache à la main, en direction du bois sombre.

La femme blonde s'affairait toujours à orner le majestueux arbre de Noël, et s'évertuait d'y accrocher un petit ange en porcelaine qui ne voulait décidément pas terminer la soirée sur une branche épineuse. Elle y parvint enfin et s'assit quelques secondes dans le fauteuil de cuir rouge rembourré de laine blanche. Elle se saisit d'un coussin sur lequel était brodé les mots Merry Christmas et elle le serra dans ses bras en le mordillant légèrement : elle n'aimait décidément pas cette idée que Mario erre de nuit dans cette forêt sombre et probablement pleine de dangers.

Elle se rappela les clichés de mauvais films d'horreur dans lesquels les hommes partis "chercher du bois" se retrouvaient finalement sans vie, leur propre hache encastrée dans le crâne, le sang rouge vif se mêlant à la froide blancheur de la neige. Non, elle n'aimait vraiment pas cette idée. Elle se leva et se dirigea vers la cuisine, observa les grands couteaux à viande qui, dans les circonstances actuelles, lui faisaient étrangement peur, et ouvrit le minibar.

S'étant saisie d'une bouteille de scotch, elle retourna sur le canapé, et en avala deux grandes gorgées. Elle regarda autour d'elle pour observer le salon de leur chalet ; ils avaient vraiment fait bon choix. Sur le sol, un parquet en chêne clair, se trouvaient deux canapés couleur vermillon, tournés vers un foyer en pierre rustique dans lequel brûlait un grand feu et, au-dessus de la cheminée, trônait majestueusement une grande télévision à écran plat. Derrière ces canapés se trouvait une grande table entourée de 6 chaises en bois de sapin.

Cet intérieur sécurisant la calmant quelque peu, elle repensa à son cliché sanglant, et se moqua intérieurement d'elle-même. Comment avait-elle pu être effrayée par une si grotesque perspective ? A nouveau sereine, elle décida d'attendre son mari en regardant le petit écran. Waluigi, le présentateur des infos, était toujours aussi distingué et séduisant, pensa-t-elle et elle laissa ainsi son esprit vagabonder, réfléchissant à des choses et d'autres.

Soudain, sa véhémence fut interrompue par le titre d'une émission : "Minuit, et pas couchés !". Cela faisait donc plus de quatre heures que son amant était parti chercher du bois. Elle ne s'était jamais servi d'une hache mais était certaine qu'il ne fallait pas autant de temps pour couper un bête petit sapin. L'image du corps ensanglanté de Mario étendu dans la neige revint à nouveau lui hanter l'esprit. Elle eut beau se raisonner, cette fois-ci, elle n'arriva pas à se débarrasser de cette vision d'épouvante. Craignant une sorte de vision prémonitoire, elle se roula en boule, et, tout en se continuant à se répéter que de tels évènements étaient absurdes et impossibles, elle zappa entre les différentes chaînes pour tenter de trouver une information sur un quelconque accident de montagne qui aurait pu justifier le retard de son bien-aimé. Ses efforts furent vains.

Pour penser à autre chose, elle téléphona à Daisy, son amie de longue date. Ce fut la mère de cette dernière qui décrocha, et lui apprit une terrible nouvelle. On avait, l'avant-veille retrouvé Daisy au fond de sa piscine, le bas du ventre couvert de multiples entailles, une bonne moitié de son visage arraché par ce qui semblait être un cutter.
Peach n'en crut pas ses oreilles. Elle s'effondra sur le fauteuil et repensa à tout ce qui lui arrivait. Mario avait probablement subi le même sort que son amie, mais elle continuait à espérer le contraire.

D'un coup, les lumières ainsi que la télévision s'éteignirent. Panne de courant. Seul le feu de bois et la lueur de la lune filtrant à travers les fenêtres permettaient encore à la jeune femme de percevoir son entourage. La pauvre femme, totalement effrayée, s'enroula dans une couverture, sanglotant.
Soudain, la sonnerie de son portable retentit. Elle s'empressa de regarder le nom de l'appelant, et vit que c'était son cher mari.
Elle décrocha donc avec une extrême célérité pour ensuite laisser tomber le téléphone avec effroi : tout ce qu'elle entendit fut un soufflement rauque et saccadé, tel qu'on en entend dans les thrillers quand le tueur appelle sa prochaine victime.

Elle ne voulait pas y croire mais finit par se rendre à l'évidence, l'amour de sa vie était mort, assassiné. L'idée du sang chaud perlant sur la neige froide, du cadavre mutilé de son mari, de la hache injectée de sang posée à côté du corps, lui donna envie de vomir. Des larmes commencèrent à s'échapper de ses grands yeux qui jamais ne mentaient, d'un bleu si bleu que la mer et le ciel en pâlissaient d'envie, si étincelants qu'ils auraient pu éclipser n'importe laquelle des étoiles du ciel noir. Les gouttes perlaient sur son jeune visage doux et lisse. Elle pleurait, hurlait, appelait à l'aide, pleurait de plus belle.

Ce qu'elle avait entendu tout à l'heure au téléphone était sans appel. Après Daisy et Mario, c'était son tour à présent. Après de longs pleurs, elle décida de ne pas se laisser faire et, à moitié-folle, elle barricada toutes les portes, condamna toutes les fenêtres et boucha le conduit de la cheminée, ce qui éteignit le feu dans l'âtre. L'appartement était à présent totalement noir et impénétrable mais cela ne rassura pas Peach pour autant, bien au contraire. Elle voyait maintenant l'image d'un vieillard fou la poursuivant dans cette demeure sans qu'elle n'aie aucun espoir de sortie, image succédée par une autre vision, celle de ce vieillard, la bave au coin de la bouche, poignardant ardemment son corps sans vie.
Elle ne voulait pas mourir, pas comme ça. Son heure n'était pas encore venue. Non, son heure n'était pas encore venue. Plus elle répétait cette phrase, plus elle se rendit compte qu'elle avait tort. Son heure était venue.
Mais dans un dernier élan d'espérance, elle voulut tout mettre en œuvre pour que ce fou ne puisse pas lui faire pousser son dernier souffle.

Ainsi, dans le noir, totalement furibonde, elle se dirigea lentement dans la cuisine, guidée par son instinct, n'ayant plus aucun contrôle sur son propre corps.

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C'était la veille de Noël.

Pour les vacances, Mario et Peach avaient loué un petit chalet en bois de hêtre sombre, au milieu d'une grande forêt de pins. Ils s'affairaient tous deux aux préparatifs pour que le réveillon soit parfait. Mario entreprit d'allumer un feu pour réchauffer l'atmosphère. Il se dirigea vers la petite cheminée, y rassembla quelques copeaux de bois et y mit le feu avec son briquet, avant de remarquer qu'il ne restait qu'une dizaine de bûches, ce qui ne serait pas suffisant pour tenir toute la nuit. Il enfila donc son manteau de laine rouge, embrassa Peach et sortit, une hache à la main, en direction du bois sombre.

Mario mit une petite dizaine de minutes avant de trouver un grand arbre, couleur d'ébène, au bois sec, l'arbre parfait. Saisissant sa hache de ses deux mains déjà frigorifiées, il frappa vigoureusement le tronc de ce qui allait pouvoir les réchauffer. C'était plus fatiguant qu'il ne le pensait, et au bout de quelques coups, il fit une petite pause. S'étant ressaisi et à présent en possession de toutes ses forces, il prit son élan et frappa le pin du plus fort qu'il pouvait. Un son sourd se fit entendre, Mario regarda sa hache dont il ne restait plus que le manche ; le fer était profondément planté dans le tronc. Il tenta par tous les moyens de l'extraire de son étau de bois, mais en vain : il était profondément encastré et il serait impossible de le déloger seul.

Afin de pouvoir continuer son bûcheronnage, le plombier décida d'aller acquérir une nouvelle hache chez Triny T., au Toad Store, magasin d'articles de bricolage en tout genre. Après cinq petites minutes, il put apercevoir les lueurs de la ville enneigée, dans laquelle il pénétra. La ville était joyeuse, des guirlandes et banderoles en tout genre étaient attachées au-dessus des rues et des sucres d'orge ainsi que des branches de houx pendaient le long de corniches et balcons.
Le magasin de Triny était sans conteste le plus décoré de tous : des néons, guirlandes lumineuses, sculptures de glace et boules de noël parsemaient allègrement les alentours du chalet. Mario y pénétra et y trouva vite son bonheur : une hache en bois de platane, fort peu chère. Il passa à la caisse, salua son vieil ami et repartit en direction de son logement. Mais sur le chemin du retour, il fit une rencontre inattendue : Wario, son vieil ami qu'il n'avait plus revu depuis son mariage avec Daisy, deux ans plus tôt. Ce dernier était toujours aussi bedonnant et sympathique que quand il l'avait connu. Il était affublé d'une grotesque salopette mauve et d'une casquette jaune sur laquelle était inscrite son initiale.

Après s'être serrés dans les bras et donné de bonnes tapes sur le dos, il se rendirent au bar du coin pour se remémorer le bon vieux temps. Vers 22h30, remarquant que l'heure tournait, le jeune marié décida d'appeler sa femme afin de la prévenir qu'il rentrerait un peu plus tard. Il avait malheureusement oublié son portable et demanda donc celui de Mario. Ce dernier le lui prêta avec plaisir, heureux de ne plus devoir faire toutes ses simagrées, sachant que, étant mariés depuis 9 ans maintenant, Peach ne s'inquiétait plus que très peu en son absence, et Wario composa le numéro de sa bien-aimée.

Ce dernier pouffa plusieurs fois pendant l'appel avant de raccrocher ; il expliqua à Mario que sa belle mère, la mère de Daisy, inventait encore n'importe quoi pour ne pas qu'on accapare sa fille ce jour de Noël. Cette fois-ci, elle avait imaginé une histoire très peu crédible selon laquelle on aurait mutilé la jeune femme avant de la noyer dans une piscine. Mario rit avec son ami en se demandant qui serait assez naïf pour croire à un tel récit.

Ensuite, par inadvertance, Wario glissa le téléphone de son ami dans sa propre poche. Ils continuèrent ensuite à parler de choses et d'autres, comme par exemple de l'importance que commençait à prendre leur ami commun Waluigi dans le monde du média ou de leurs métiers respectifs. Après une bonne douzaine de bières, une coupure de courant survint. Cela interrompit leur conversation, et ils prirent conscience de l'heure tardive qu'il était. Mario s'excusa mentalement auprès de Peach et sortit, toujours accompagné de son ami.
Sans ses néons, la ville semblait si triste et grise... Après s'être chaudement salué et s'être juré de se revoir au plus vite, ils se séparèrent.

Wario vit son bus de l'autre côté de la rue, et courut pour pouvoir l'atteindre à temps. La course de cet homme bien en chair et court-sur-pattes avait quelque chose d'un peu pitoyable, ce qui fit beaucoup rire Mario, avant qu'il ne se détourne et commence à monter en direction de son chalet.

Wario avait réussi à attraper son bus et reprenait à présent sa respiration à grand souffle, de manière très saccadée. Sentant le portable de son ami dans sa poche, il le sortit, poussa un juron entre deux soufflements, et se promit de lui rendre le lendemain. Il remit le mobile de Mario dans sa poche et cela appela le "Numéro Favori", autrement dit, Peach. S'insultant intérieurement, il s'empara du téléphone et l'approcha de son oreille.
Il voulut dire quelque chose mais, étant toujours en train de reprendre sa respiration, il raccrocha donc après quelques tentatives désespérées d'adresser la parole, estimant qu'elle n'en ferait pas grand cas.

Mario était enfin de retour dans la forêt de pins qui bordait leur chalet. Il termina d'abattre l'arbre majestueux dans lequel était toujours fiché le fer de sa première hache et débita ensuite le tronc en plusieurs petites bûches, et marcha ensuite, titubant sous l'effet de l'alcool et le poids de son lourd fardeau, en direction de sa maison.
Arrivé à quelques mètres de son logement chaud et douillet, il repéra quelque chose d'anormal. Toutes les fenêtres étaient barricadées, et la cheminée ne fumait plus.
Pris de panique, il se précipita vers la porte d'entrée et tenta de l'ouvrir, mais il n'y arrivait pas. Il cria plusieurs fois le nom de sa bien-aimée pour qu'elle vienne lui ouvrir, mais en vain. Il finit par utiliser sa hache flambant neuve pour détruire la porte et entra en trombe dans le chalet, sombre et lugubre, dans lequel ne filtrait aucune lumière.

Il marcha lentement, à tâtons, se demandant quel étrange évènement avait bien pu se produire. La cheminée était éteinte. Les fenêtres étaient condamnées. Le sol était froid. Mais surtout, Peach n'était pas là. Il se dirigea à l'aveuglette vers un tiroir de la cuisine, s'empara d'une bougie de cire et l'alluma.
A la lueur de la bougie, il découvrit, à côté du sapin de Noël, sa bien-aimée, un couteau fiché dans la poitrine, les mains de la jeune femme posées sur la lame. Mario serra dans ses bras le corps flasque de sa femme en déversant des torrents de larmes. Il passa en revue les différentes raisons qui auraient pu la pousser à se suicider mais n'en trouva aucune de valable. Cela lui fut encore plus insupportable.

Il effleura le visage lisse, écarta de celui-ci une boucle blonde comme les blés, à présent maculée de sang. Sanglotant toujours, il posa un ultime baiser sur les lèvres de sa femme et, se tournant vers le sapin et les cadeaux sur lesquels l'hémoglobine avait abondamment coulé, ouvrit l'un d'eux et y découvrit une photo de lui et de sa femme sur laquelle était écrite, en police rose et légère, "Je t'aime."

"Ne t'inquiètes pas, tu peux sauter sans risque, je vais te rattrapper !"
Wario, apprenti secouriste, à Waluigi, nouveau blessé